Historique

Les 1ers pas de la Lithotritie

(Article paru dans la newsletter mensuelle des urologues adhérents de l’AFU le 4/09/17)

Dans les années 80, les calculs sont opérés en chirurgie ouverte. Mais une découverte allemande va bouleverser la donne, en permettant de fragmenter les calculs au moyen d’ondes de choc ultrasonores. Alain Le Duc, ancien chef du service d’urologie de Saint-Louis, revient sur le bouleversement que fut la lithotritie extracorporelle à ses débuts.

Une véritable onde de choc dans une baignoire 

« L’appareil était composé d’une grande baignoire, avec un siège qui descendait doucement dans la cuve. Il y avait une électrode qui produisait un choc acoustique, puis un miroir parabolique focalisait les ondes sur le calcul. Il était très puissant et relativement douloureux. » Le Pr Alain Le Duc se souvient parfaitement du tout premier lithotripteur extracorporel sur le marché. Il a été çonçu par la firme aéronautique Dornier à la suite de travaux sur les effets du bang supersonique. Dans un article fondateur (The Lancet, 1980), l’urologue allemand Christian Chaussy, de l’Institut urologique de Munich, explique avoir traité 20 patients avec succès. La lithotritie extracorporelle était née.

Le premier appareil de lithotritie arrive en France en 1983 

« Cela paraissait assez miraculeux, il y avait des doutes sur l’efficacité de la machine ou son danger potentiel », se souvient Alain Le Duc, qui venait de quitter l’hôpital Foch pour devenir chef de service à Saint-Louis. L’appareil est cher, l’équivalent de quatre millions d’euros actuels. Il faudra attendre 1983 pour que, poussée par la communauté urologique, l’Assistance Publique-Hopitaux de Paris s’offre le premier appareil de lithotritie de France : le Dornier HM-3 

Un problème se pose : où installer la machine ? 

Comme ils en ont coutume, les chefs de service d’urologie de l’assistance publique se réunissent dans un café près de Necker. Les tractations commencent. « Chacun disait "chez moi c’est sympa, il y a du feu" », s’amuse Alain Le Duc. « Alors j’ai proposé qu’on place la machine dans un centre indépendant. » Ainsi naît le Centre inter-établissements de lithotritie, installé à Necker, avec un calendrier de rotations par service. Au terme d’une autre réunion de bistrot, Alain Le Duc, considéré comme extérieur aux querelles de l’Assistance Publique, est choisi par ses pairs pour diriger ce Centre.

« Ça a vraiment révolutionné la prise en charge », 

explique Alain Le Duc. « Une lombotomie ça fait mal, parfois toute la vie, ça durait trois-quatre heures et il fallait plusieurs dizaines de jours d’hospitalisation. » La lithotritie, bien qu’impressionnante, est non-invasive, rapide, et presque aussi efficace. « On a progressivement appris quels calculs s’effritaient sous l’onde de choc et lesquels résistaient, à revoir les critères de guérison pour admettre qu’il reste des fragments », relate Alain Le Duc.

L’engouement pour le traitement par lithotritie est immense. D’autres constructeurs s’engouffrent dans la brèche, et de nouvelles machines plus compactes voient le jour. « Le privé a vite réagi, comme souvent : comme les machines étaient trop chères pour une seule clinique, ils ont organisé un système tournant, en déplaçant la machine par camion. » À l’Assistance Publique-Hopitaux de Paris aussi, chaque service se munit de son propre appareil, souvent pour des essais cliniques. Le Centre  international de Lithotritie en vient donc à péricliter, puis à fermer ses portes, remplacé par un système tournant.

En quelques années, la Lithotritie extracorporelle – aidée par la chirurgie percutanée – aura pratiquement propulsé la chirurgie ouverte dans l’oubli.